11 - La CROIX-ROUSSE, brève histoire :   La Révolution jusqu'en 1793.



 

Bonsoir à tous les lecteurs du Gone s’il en reste !

 

On parle de l'ancien régime pour désigner tout ce qui précéda 1789 et de la date symbolique du 14 juillet, tant furent importants les changements apportés par la Révolution.

 

Il n'est pas question de raconter ici la Révolution, mais simplement d'en regarder certaines dates qui apportèrent une transformation de notre colline de la Croix-Rousse et marquèrent son histoire et son évolution, comme elles marquèrent l'histoire et l'évolution de Lyon.

 

Il y a deux versants dans l'histoire de la révolution à Lyon comme à la Croix-Rousse :

 

Avant 1793 où Lyon et Croix-Rousse évoluent au rythme de la Révolution.

Et puis 1793 où Lyon rompt avec la Révolution Montagnarde et Jacobine avec les conséquences que l’on sait.

 

Si nous regardons, aujourd'hui, les évènements qui, avant 1793, provoquèrent un changement, je pense qu’il y eut en premier lieu les lois relatives à l'organisation du territoire :

 

Le 12 novembre 1789, l'Assemblée Nationale Constituante décréta la création des municipalités. Cela concerna chaque ville, bourg ou communauté rurale.

Le 28 février 1790, ces municipalités reçurent de l'Assemblée de larges pouvoirs pour le maintien de l'ordre.

Le 19 juillet 1791 les municipalités furent invitées à tenir des registres d’ état civil et à organiser leur service de police.

La municipalité de Lyon, jusqu'en 1793, eut ainsi une seule mairie. Par la suite de 1793 à 1806 la Municipalité sera divisée en trois avec trois mairies  : Lyon Nord, Lyon Midi, Lyon Ouest, nous verrons pourquoi. De 1806 à 1852 il n'y aura, de nouveau,  plus qu'une seule mairie à Lyon.

Comme Vaise et la Guillotière, la Croix-Rousse fut commune indépendante de Lyon de 1790 jusqu'en 1852. Et de 1790 à 1793 la Croix-Rousse fit une seule commune avec Cuire.

 

Le 26 février 1790, les anciennes provinces et généralités avaient été remplacées par les départements. L'assemblée avait fixé l'étendue et le découpage des 83 départements. Chaque département avait un chef-lieu qui se situait souvent en son centre et ne devait pas être éloigné de plus d'une journée de  cheval, de tous les coins du département.

Le grand département de Rhône et Loire avait donc été créé. Lyon, alors la deuxième ville de France, en était le chef-lieu. Mais est-ce de cette époque que date notre liste Rhône et Loire ?... Je n'en ai pas trouvé la mention !...

 

La municipalité de Cuire la Croix-Rousse fut la grande perdante de cette réforme car avec la disparition du Franc-Lyonnais, disparurent aussi tous les privilèges qui y étaient attachés, notamment en matière fiscale et cela malgré toutes les protestations des habitants qui auront cependant la consolation de payer moins de droits d'octroi que Lyon sur les denrées qui entrent dans la commune.

 

Le 19 février 1790, un nouveau conseil municipal de 8 membres se réunit donc et choisit le premier Maire,  Jean Delorme. Ce conseil avait reçu de l’assemblée municipal précédente ces deux recommandations : “Surveiller les empiètements de Lyon et construire le Chemin de Serin“.

 

Si la justice du faubourg est maintenant la même qu’à Lyon, la police est en revanche propre à la commune de Cuire la Croix-Rousse et indépendante de celle de la ville.

 

A côté des lois de réorganisation territoriales, les lois relatives au Clergé et à ses possessions apportèrent aussi bien des changements :

 

Dès le 2 novembre l'Assemblée Constituante avait décrété la mise à la disposition de la Nation de tous les biens du clergé.

Le 13 février 1790, les ordres religieux, autres qu'enseignants et hospitaliers, sont supprimés et les vœux monastiques interdits.

Le 14 mai 1790 l'Assemblée décide de mettre en vente les biens nationaux issus des réquisitions des domaines du clergé.

Le 12 juillet 1790 la Convention Nationale adopte la Constitution civile du clergé, préparée par Mirabeau et l' abbé Lamourette. Cette constitution reprend les décisions relatives à la suppression des ordres religieux et à la nationalisation de leurs biens, elle organise aussi l'Eglise de France sur le modèle de l'état. A chaque département correspond un diocèse, à chaque commune correspond une paroisse, en ville le territoire de la paroisse doit être celui du canton (ce qui ne fut pas toujours possible à Lyon). Les évêques comme les curés sont élus par les fidèles. Chaque évêque et chaque prêtre doit jurer fidélité à cette constitution.

Le 24 août, le roi avalise ces mesures.

Le 3 janvier 1791 l' Assemblée renouvelle l' obligation faite aux ecclésiastiques de prêter serment à la Constitution Civile du clergé et le 17 mai 1792, elle décrète la déportation des prêtres réfractaires, ceux qui refusent le serment sont alors obligés d'entrer dans la clandestinité et deux clergés cohabitent plus ou moins.

 

Sur les pentes, si certains bâtiments furent  utilisés comme caserne (Ursulines, Bleues célestes, Sainte Marie des Chaînes, Colinettes ) ou prisons (Carmélites) ou encore théâtre (Chapelle des Bleues Célestes), d’autres ainsi que tous les terrains libérés par les religieux expulsés, se révélèrent vite une lourde charge pour la Nation et firent partie des biens nationaux mis en vente. Alors les propriétés furent démembrées, les terrains divisés en  lots, et les bâtiments souvent démolis.

Ainsi l’immense clos des Chartreux comprenant plus de 15 hectares de terrain et plus de deux hectares de bâtiments fut divisé en onze lots et vendu aux enchères le premier novembre 1791. Parmi les acheteurs, nous trouvons un chirurgien, un agent de change et un marchand, tous trois assez riches pour acquérir les lots les plus importants, mais nous trouvons aussi des gens plus modestes comme un  charpentier, un jardinier, un charcutier et un cordonnier.

Si pour les clos proches des Terreaux les acquéreurs furent nombreux, ceux du haut des pentes furent acquis par un ancien recteur de la Charité et un médecin administrateur de l’Hôtel Dieu.

Cette division en lots permettra enfin la création de rues sur les pentes, les nouveaux propriétaires créant des voies d’accès à leur propriété.

 

Si l’église Saint Bruno fût heureusement réservée à la Nation et l’église des Oratoriens devint l’église paroissiale Saint Polycarpe dont l’abbé Rozier fut choisi comme curé le 18 septembre 1791, l’ année 1792 fut celle de très nombreuses destructions de couvents d’églises et de chapelles sur les pentes, comme partout dans la ville. Ainsi les églises des anciennes paroisses de la colline, Saint Vincent, Saint Saturnin et Notre Dame de la Platière, furent détruites (décidément on  ne se souciait déjà pas beaucoup du patrimoine !).

 

 Sur le plateau, le clos des Augustins Réformés fut divisé en trois lots pour y construire des habitations tandis que leur église devint église paroissiale et les bâtiments attenants à l’église furent utilisés comme mairie.

La loi du 19 juin 1791 décrétait : “La Croix-Rousse sera desservie, sous le nom de Saint Augustin, dans l’église du ci-devant monastère des Augustins Réformés, laquelle aura pour succursale l’église de Cuire sous le nom de Saint Blaise.“

Le premier curé constitutionnel fut choisi en la personne de Charles Plagniard, ex-Augustin.

 

 La réquisition et la vente des couvents qui furent capitales, et même, à terme, bénéfiques pour l’évolution du quartier ne durent pas se passer sans douleurs, mais c’est surtout la Constitution civile du clergé qui jeta le trouble dans l’Eglise lyonnaise et ébranla les Catholiques. L’archevêque, Mgr de Marbeuf, refusant la Constitution, fut remplacé le 1° mars 1791 par Adrien Lamourette, co-auteur de la Constitution.

Le 10 mars et 13 avril pape condamna publiquement la Constitution civile du clergé.

Si une grande partie du clergé lyonnais avait prêté serment à la Constitution, d’autres, non jureurs, exerçaient en cachette à la Croix Rousse comme ailleurs.

A travers tous ces faits, nous avons à Lyon, comme dans toute la France, les germes d’une opposition Eglise – République qui sera très longue à se résorber chez beaucoup de catholiques.

 

En terminant, je voudrais encore mentionner certaines lois révolutionnaires qui durent pas mal changer la vie quotidienne de nos ancêtres, sur la colline comme ailleurs :

Le 23 mars 1791 les corporations de métiers sont supprimées, chacun pourra exercer librement le métier qu’il aura choisi à condition d’acquitter la patente. Le 14 juin les associations de patrons ou d’ouvriers comme la grève sont interdites (loi Le Chapelier).

Le 14 mai 1790 l’assemblée décide de créer un système uniforme des poids et mesures et le 30 mars 1791 est adopté l’instauration du système métrique. Quel bouleversement, si je me réfère simplement à notre passage à l’Euro !

Et un peu plus tard nos ancêtres durent adopter le fameux calendrier révolutionnaire en usage officiellement à partir de 1793, plus aucune référence religieuse ne devait marquer les jours de ces hommes et ces femmes qui, jusqu’alors, avaient baigné dans le christianisme !

 

Mais nous arrivons en 1793 !

Alors je vous donne rendez-vous pour le prochain épisode qui sera le plus triste de l’histoire de Lyon.

Préparons nous au pire…

En attendant faites encore de beaux rêves !

 

Le Gone.