5 -La CROIX-ROUSSE, brève histoire :  Les rues et les traboules.
1 - Les rues du Plateau.

 

Bonjour à tous !

 

Le Gone espère que vous êtes en forme, car aujourd’hui commence un long chapitre où nous n’en finirons pas de gravir des côtes, arpenter des rues, dégringoler des escaliers et cela nous occupera peut-être, s’il faut faire quelques haltes, pendant plusieurs messages… Alors qui veut me suivre lace bien ses meilleures chaussures et n'oublie pas son plan de Lyon !

 

En effet, le morcellement des anciennes propriétés religieuses et les nombreux lotissements à l'est de la colline entraînèrent l'ouverture de nombreuses rues dans ce secteur, et cela saute aux yeux dès que l'on ouvre un plan, même actuel.

Rappelez-vous : Jusqu' à présent nous n' avions guères que les montées et leurs prolongements sur le plateau. C’ étaient les anciennes côtes Saint Vincent, Grande-Côte et Saint Sébastien , plus, de part et d' autre, la montée de la Boucle vers le Rhône et le mauvais chemin de Serin, qui ne sera remplacés par notre montée des Esses que vers 1840, vers la Saône. Notre cours Général Giraud ne sera ouvert qu'après 1848 sous le nom de cours des Chartreux.

 

La plupart des rues de la Croix Rousse et des Pentes datent de cette première partie du XIX° siècle, mais elles se multiplièrent souvent de manière anarchique (c'est peut-être, d’ailleurs, ce qui donne tout son charme à ce quartier ?)

Ecoutons Josette BARRE, notre sympathique spécialiste :

« Guidé par le souci de rentabiliser rapidement ses terrains et de les diviser au mieux de ses intérêts, le lotisseur ouvre une ou deux rues qui lui permettent d’obtenir le maximum de parcelles constructibles. Bien souvent, il ne tient pas compte de la voirie existante ni des projets de ses voisins. Il agit généralement seul, parfois avec un ou deux propriétaires… »

 

Sur les Pentes, la ville essayera bien de contrôler l’ouverture des rues à partir de 1825, mais elle sera souvent mise devant le fait accompli.

Sur le plateau, la municipalité sera encore plus discrète, elle n’a pas de ressources et les promoteurs, riches notables, sont aussi ses édiles alors… (l’art de la magouille n’est pas d’ aujourd’hui, ce qui n’est pas forcément consolant !). Les lotisseurs auront même le droit de nommer leurs rues et c’est ainsi que certains voudront s’immortaliser.

 

Sans entrer dans les détails des tractations, je voudrais simplement tenter, par lotissement, une liste des rues ouvertes à cette époque et nous commençons par le faubourg, vous avez bien votre plan ?

 

Vers 1812, sur un clos de deux hectares ayant appartenu au XVIII° au soyeux Ange Biétrix, et situé entre la Grande Rue et la rue du Chapeau Rouge (actuelle rue de Belfort), Pierre Gabriel Dumenge ouvre trois rues : La partie sud de la rue du Mail (le mail était une sorte de jeu de croquet), la rue Dumenge (nous savons pourquoi !) et la rue du Pavillon. Toutes trois ont gardé leur nom. C’est là que Dumenge fait élever les premiers immeubles de canuts. La rue d’Austerlitz était alors le chemin des Fossés.

 

En 1824, sur l’ancienne propriété de l’Auberge du Chariot d’Or, au nord du clos Dumenge, le lotisseur Perrin prolonge la rue du Mail et ouvre aussi trois rues : La rue Henri IV (rue sociale en 1849, de nouveau Henri IV en 1852, rue d’Ivry depuis 1854), la rue du Chariot d’Or et la rue de la Visitation (rue des droits de l’homme en 1848, de la Constitution en 1850, re de la Visitation en 1852, enfin rue de Nuits, en souvenir du combat de Nuits Saint Georges contre les Autrichiens le 18 décembre 1870.)

A la demande de la municipalité, Perrin cède une parcelle pour la création de la place de la Visitation (Les Visitandines s’étaient réinstallées dans le quartier après la Révolution), cette place s’appellera place du suffrage universel en 1849 (attention, suffrage universel pour les hommes seulement !), place du Peuple en 1850, de nouveau de la Visitation en 1852 et enfin, depuis 1946, place Bertone (Résistant fusillé en 1942).

 

En 1835, sur son clos situé au nord du clos Perrin, Pailleron prolonge encore la rue du Mail et, entre la rue du Chapeau-Rouge (Belfort) et la rue Saint Denis (depuis 1895 rue Hénon, maire de Lyon), il ouvre la rue qui porte son nom. Ainsi la rue du Mail terminée et la rue Pailleron permettent  le dégagement de la Grande-Rue, déjà trop étroite à cette époque !

A l’ Est, entre la rue du Chapeau-Rouge (Belfort) et la petite rue des gloriettes (ancienne rue de la Bouffarde et actuelle rue Louis Thévenet depuis 1939) les clos des religieuses du Saint Sacrement et de la Visitation empêchent alors toute création de nouvelle rues. La rue Berthet c’est cette rue bordée par ces immenses immeubles qui dominent la ville : faut-il être heureux pour les gens qui y habitent ou très tristes pour la colline défigurée ?  J’hésite !

 

En 1821, au sud des clos des susdites religieuses, Jacques Rey et Franklin Bonafous s’étaient entendus pour lotir leurs propriétés (3,5 hectares) situées au dessus du Cours d’Herbouville, cette belle promenade ombragée qui depuis 1811 avait remplacé le quai Saint Clair pour le bonheur des lyonnais.

Sont alors ouvertes trois autres rues : La montée Rey (depuis 1962 : Justin Godart avocat et homme politique lyonnais 1871-1956), cette montée relie le Cours d’Herbouville par un escalier (montée Rater en 1924), la rue Sainte Catherine (prénom de Madame Rey, rue Lebrun depuis 1854) et la rue Célu (patronyme de Madame Rey). Quel mari attentionné que ce Monsieur Rey qui offrait des rues à sa fenotte !).

La rue des Gloriettes  (depuis 1871, Joséphin Soulary , poète lyonnais)  qui se termine elle aussi par des escaliers dans sa partie inférieure, étaient peut-être plus ancienne. Quoiqu’il en soit une promenade dans ces rues ne manque pas de charme, mais, croyez-moi, c’est assez sportif dans le sens de la montée !

 

Au nord-est du faubourg, sur les pentes du ravin de la Boucle, le lotissement sera long à démarrer. Fin 1835, deux rues parallèles à la montée de la Boucle sont cependant ouvertes : La rue Lafayette (de Dijon en 1878 puis Eugène Pons, imprimeur et résistant lyonnais, en 1945) et la rue Camille Jordan (Jean Bart en 1849, Spartacus en 1850 et Mascrany depuis 1854. Les Mascrani était une riche famille de banquiers arrivée à Lyon à la fin du XVI°, qui donna plusieurs prévôts des Marchands à la ville).

Entre ces deux montées, sont encore ouvertes trois rues : La rue des Actionnaires (ceux qui avaient souscrit pour la construction du quartier Saint Eucher), la rue Guitton et la rue Lassale.

 

De son côté,  Chaumais, entrepreneur de bâtiments et possesseur d’un clos de cinq hectares, ouvre, avant 1839, plusieurs rues :  Celle à laquelle il donne son nom (c’est depuis 1923 la rue Jean Jullien, auteur dramatique lyonnais), la rue des Grands Hommes  (qui étaient-ils, il y en a tellement chez nous et sans parler des femmes !  c’est, actuellement, la rue  Philippeville),  la rue de la Fontaine, la rue des trois enfants, la rue Sainte Anne (Saint Dier, depuis 1917) et enfin la rue Saint Joseph  (en 1855 rue Octavio Mey , fabricant inventeur du lustrage de la soie, en 1863 rue Artaud , archéologue et conservateur de Musée 1767-1838). C’est fou ce que l’on peut apprendre en lisant les plaques des noms des rues quand on ne sait pas grand- chose, parole de gone !

 

Au-dessous du clos des sœurs du Saint Sacrement, un autre entrepreneur, Emile Bouniols, conseiller municipal, veut lui aussi lotir ses terrains et, en 1841, il ouvre la rue Richan (maire de la Croix-Rousse entre 1830 et 1839) et la montée Mazagran (depuis 1952, Montée Kubler, officier de police, résistant et mort en déportation).

 

C’était pour les rues à l’Est de la Grande Rue… Regardons maintenant, toujours guidés par Josette Barre, les rues qui se créèrent en cette première moitié du XIX° à l’Ouest. Elles se trouvent derrière l’actuelle Mairie du 4°.

En 1837, pour occuper les chômeurs (tiens !…), la municipalité fait transformer le chemin des Tapis en une promenade, c’est l’actuelle avenue Cabias (dernier maire de la Croix-Rousse entre 1850 et 1852). Je rappelle  qu’à la Croix-Rousse les tapis étaient les talus couverts d’herbe des remparts.

Cette nouvelle promenade donne aussitôt de la valeur aux terrains situés de part et d’autre et là, l’entrepreneur Perrot s’empresse d’acheter un clos de trois hectares. En 1839, 1840, il ouvre la rue Perrot (rebaptisée plus tard rue Perrod, médecin généreux de la Croix-Rousse), la rue Jacquard, la rue Constantine (d’Isly depuis 1854), la rue Sully (Villeneuve en 1854) et rue Duviard, du nom d’un ancien chirurgien militaire venu s’installer à la Croix-Rousse où il fut bienfaiteur des pauvres.

En 1845, la rue Jacquard est prolongée jusqu’à la rue d’Enfer (ancien chemin de Saint Vincent à l’île Barbe, Denfert-Rochereau depuis 1878).

Au nord du clos Perrot, le docteur Carron fait percer, au centre de sa propriété, la rue Saint Augustin  (Valentin Couturier depuis 1903).

    

Deux grandes places  pouvaient rassembler les habitants : la place de la Croix-Rousse  dénommée ainsi depuis le 21 novembre 1817, et la place des Tapis où s’installait chaque année la “foire baladoire“, ancêtre de la fameuse vogue ou foire aux marrons qui a lieu de mi octobre à mi novembre. Ces places seront des lieux stratégiques lors des révoltes qui nous occuperont plus tard.

 

Un vaste projet d’urbanisme avait été élaboré vers 1840 par un architecte du nom de Gors, possesseur d’une vaste propriété au centre du Plateau. Il imaginait selon un plan conservé aux AML, deux grands axes, nord-sud et est-ouest se coupant en une place centrale où il plaçait la mairie, axes divisant le Plateau en quatre beaux quartiers. Mais  il fallait traverser de multiples anciennes parcelles maraîchères et le projet ne put voir le jour… On peut imaginer les oppositions qui durent se manifester !

 

Voilà, j’espère que nous pouvons maintenant avoir une idée du faubourg et de ses transformations dans la première moitié du XIX° siècle.

Le réseau des rues, pas toujours pavées, avait plus que doublé, et la population, qui était de 5.995 habitants en 1795, était de 12.995 en 1820 et de 28.610 habitants en 1852.

 

Le faubourg, très urbanisé à l’Est, se rapprochait de la ville, mais il était toujours extra-muros et les remparts très abîmés en 1793 avaient été réparés et même renforcés à partir de 1831 et on ne  franchissait la frontière qu’à travers les barrières de l’ octroi.

 

Mais nous avons beaucoup marché et vous êtes sans doute un peu fatigués ?

Moi je le suis, alors remettons au prochain épisode la découverte des rues des Pentes.

 

A vous revoir mes belins belines !
 

Le Gone.