16 - La CROIX-ROUSSE, brève histoire :  Les rues et les traboules.
2- Les rues des Pentes.


 

Bonjour,

J’espère que le Gone ne vous a pas trop fatigués le long des rues du Plateau, parce que je vous préviens, sur les Pentes, ça risque d’être encore plus dur… et pas question de prendre les traboules tout de suite, ce sera pour le prochain message !

Il fait très beau aujourd’hui, alors profitons-en.

 

Quand en juillet 1796 les clos des Capucins du petit Forest et des Ursulines, proches des maisons des Terreaux et de la Grande-Côte avaient été vendus à quatre particuliers, l’acte de vente prévoyait trois axes : un Est-Ouest et deux Nord-Sud. Mais ni la Ville, ni les nouveaux propriétaires ne voulant les financer, les travaux ne sont toujours pas commencés en 1802. Le préfet pousse la Municipalité à se charger enfin des nouvelles rues.

La Grande Rue Neuve des Capucins est alors percée entre la Grande-Côte et la place Croix Paquet.

Et Nord-Sud est ouverts l’axe des rues Couston et Coysevox (les frères Nicolas 1658-1733 et Guillaume, 1677-1746 Couston comme Antoine Coysevox 1640-1720, étaient des sculpteurs lyonnais), et l’axe des rues Rozier et Saint Polycarpe, avec, à l’intersection de ces deux dernières, la place du Forez (La famille Forez avait autrefois cédé leur clos aux Capucins). C’était dans ce nouveau quartier que s’élevaient, comme nous l’avons vu, les maisons des Marchands-Fabricants.

 

A l’Ouest, la Municipalité lyonnaise réalise le petit lotissement du quartier Sathonay sur le clos des Dames de la Déserte et leur couvent ayant servi jusqu’en 1813 d’école impériale de Cavalerie fut démoli. Seul fut conservé un bâtiment qui devint la mairie du premier arrondissement.

La Place de la Déserte est aménagée par  Louis Flachéron, architecte de la ville pour devenir la place Sathonay (Maire de Lyon entre 1805 et 1812).  Les terrains alentour sont lotis à partir de 1820 et sont ouvertes les petites rues Savy (premier maire de Lyon en 1790), Fargues (maire entre 1815 et 1818), Poivre (Pierre Poivre 1719-1786 étant le très célèbre naturaliste et grand voyageur, Intendant des îles de France, actuelle Maurice, et de Bourbon, actuelle Réunion).

 

En 1818, deux entrepreneurs de bâtiment rachètent à Steinmann une partie du clos des Carmélites. Ils démolissent l’église et le couvent, construisent le long de la montée et ouvrent, dans le clos, la rue Tolozan (Louis Tolozan de Montfort, 1726-1811, avait été dans le commerce de la Soierie puis trésorier et receveur général des deniers communs et enfin Prévôt des Marchands jusqu’en 1790. Cette rue devint en 1901, la rue Pierre Banc (administrateur de la Martinière).

 

En 1822, Madame Riondel est propriétaire d’une partie du Clos de la Tourette ayant appartenu à la famille Claret de Fleurieu de la Tourette, soit 4,5 hectares (le portail de ce domaine se trouve encore devant l’école normale des institutrices, IUFM actuel). Pour lotir son clos, elle fait percer deux rues Est-Ouest et quatre rues Nord-Sud. Mise devant le fait accompli, la ville refuse de prendre en charge le pavage de ces nouvelles rues qui demeureront longtemps en très mauvais état sur ce quartier appelé “Bellevue“ puis “Mont Sauvage“. Ce n’est qu’en 1853 que la Grande Rue du Clos Riondel,  la rue du Midi du Clos Riondel, la rue au Couchant du Clos Riondel, la petite rue du Clos Riondel, la rue au Levant du Clos Riondel et la rue au centre du Clos Riondel seront réhabilitées et nommées respectivement rue de Crimée, rue d’Alma, rue Vauzelles, rue Ozanam, rue Saint François d’Assise et rue Saint Clotilde.

La rue de la Tour (actuelle impasse Pitrat) devait son nom à une tour construite par un certain Pitrat, entrepreneur marseillais qui voulait voir la mer !  Je ne sais pas s’il eut le temps de l’apercevoir, bien que pour les yeux d’ un marseillais la chose devait être plus facile que pour des yeux lyonnais ! Toujours est-il que la tour de 100 mètres de haut s’écroula en 1828… Reconstruite moins haute elle fuit démolie en 1874. Les religieuses du couvent qui s’établit là prirent le nom de Sœurs de la Tour Pitrat. Ce sont elles qui apprirent à lire et à écrire à nombre de petits lyonnais, parmi lesquels non seulement mes sœurs mais aussi mon grand père !...

 

En 1821, les frères Donzel, entrepreneurs, achètent à Breton, le mécanicien qui mit au point le métier jacquard, une partie du clos des Oratoriens qui se trouvait à l’ouest de la montée Saint Sébastien. Sans rien demander à personne, ces Donzel ouvrent la rue Imbert Colomès (échevin puis dernier Prévôt des Marchands de Lyon), la rue des Tables Claudiennes, la rue Chappet (Pierre  Barthélemy Chappet, 1715-1794, consacra sa vie et sa fortune aux prisonniers et aux malheureux). Mais la ville réagit en imposant la fermeture de ces rues pendant quelque temps.

 

En 1825, un règlement soumet enfin toute ouverture de rue au Voyer (officier, fonctionnaire, chargé de l’administration des voies publiques), au Conseil Municipal, au Préfet et au Ministre de l’intérieur. Le grand Voyer Louis Benoît Coillet trace alors un plan de rues à ouvrir sur les terrains non encore construits. Si la famille Villermoz propriétaire des clos situés de part et d’autre du haut de la montée Saint Sébastien, anciens clos des Bernardines à l’Ouest et des Colinettes à l’Est, ne s’oppose pas au projet, l’Archevêque refuse la traversée de la propriété du Séminaire Saint Irénée.

D’autre part deux autres propriétaires des clos situés au-dessus de la rue Vielle Monnaie (René Leynaud), Joseph Mermet, médecin, conseiller municipal, et Me Casati, notaire, s’entendent pour prendre de vitesse l’acceptation officielle du projet Coillet, car ils craignent que certaines de leurs parcelles ne soient alors plus constructibles. Ils ouvrent sur leurs clos une partie de la rue du Commerce (Burdeau depuis 1895), le passage Mermet et le prolongement de la rue des Tables Claudiennes. Pour faire passer la chose, Mermet et Casati vendent à la ville un terrain pour la place du Perron qui deviendra place Chardonnet en 1928 (Hilaire Bernigaud, comte de Chardonnet, chimiste et industriel inventeur de la soie artificielle 1839-1924).

 

En 1830 est ouverte la rue Pouteau (Claude Pouteau, chirurgien à l’Hôtel Dieu au XVIII°). Par cette montée comprenant des escaliers sur les pentes les plus raides, peuvent communiquer toutes les rues précédentes.

La rue Vielle Monnaie était quant à elle très ancienne, elle s’était appelée rue Besson en 1521 (Besson y tenait alors l’atelier monétaire), rue Vielle Monnaie en 1680 et en 1945, rue René Leynaud, résistant fusillé en 1944).

 

En 1828-1830, au-dessus des lotissements Mermet et Casati, le Voyer Coillet fait percer, sur l’ancien clos des Bernardines, la rue Sainte Blandine (Diderot en 1879), la rue Lemot (François Frédéric Lemot, 1771-1827, auteur de la statue équestre de la place Bellecour), la rue Desserve  (magistrat). Cette dernière rue devint rue de Sève en souvenir d’Anthelme de Sève dit Soliman Pacha (1788-1821), général de l’armée égyptienne et  elle fut raccordée par des escaliers à la place Colbert créée en 1829.

 

A la même époque, dans l’ancien clos des Colinettes, Coillet ouvre quatre rues et deux montées :  la rue Bodin (Jacques Ambroise Bodin, banquier, conseiller municipal, administrateur des Hospices et propriétaire du clos des Colinettes), la rue Audran (Gérard Audran, graveur lyonnais 1640-1703), la rue Magneval (Gabriel Barthélemy Magneval, conseiller municipal et député du Rhône, 1751-1821), la rue Mottet de Gérando (aussi conseiller municipal et député du Rhône, 1771-1828), la montée Adamoli (Pierre Adamoli, 1707-1769, Conseiller du roi, Maître des ports et passages de Lyon) et la montée Grognard (François Grognard, 1748-1823, négociant, bienfaiteur du Musée).

 

En dessous, la rue des Fantasques, en corniche au dessus du quai, est beaucoup plus ancienne, On lit à son sujet dans l’Almanach de Lyon de 1745 (cité par Louis Meynard) : « On nomme ce chemin ainsi parce que c’est un endroit fort écarté, servant de promenoir à des gens d’un caractère particulier, qui veulent éviter la compagnie », j’y suis allé voir, mais je n’ai pas remarqué de tels personnages, peut-être étais-je moi-même un… fantasque ?!  Louis Meynard poursuit : « Selon Paradin, on désignait ainsi cette rue parce que, jadis, des brigands et larrons se cachaient en ces lieux pour détrousser et assassiner les voyageurs arrivant par la route de Bresse».  Mais le progrès aidant, il n’est plus besoin d’aller dans cette rue pour se faire détrousser !

 

En 1825, Coillet avait aussi présenté un autre projet pour l’ouest de la montée des Carmélites. Il s’agissait de relier par une rue sinueuse, le gros immeuble de six étages, dit des 365 fenêtres, que Brunet avait fait construire au-dessus de la place Rouville (Guillaume Roville ou Rouille, imprimeur lyonnais, 1518-1589, la place date de 1829), au passage que le teinturier Gonin avait créé sur le quai de Saône (impasse Saint Benoît puis passage Gonin). Mais, là encore, une propriétaire refusa de céder le terrain nécessaire au passage de cette montée.

 

Les sœurs Saint Charles, nouvelles propriétaires du clos des Annonciades acceptèrent cependant la création de la rue de l’Annonciade qui permettra de relier l’immeuble Brunet à la montée des Carmélites.

En, 1838 s’ouvre enfin la rue de Flesselles (Intendant de la Généralité de Lyon, 1768-1784).

Mais il faut remarquer que, malgré les efforts du Voyer, cette partie ouest de la colline, trop loin du centre de la ville, n’intéressait pas trop la municipalité lyonnaise de l’époque.

 

Voilà… Si vous le voulez bien, nous allons terminer ici notre promenade pour aujourd’hui.

Nous la reprendrons avec le prochain message, mais ce sera plus rapide car nous emprunterons les fameuses traboules et, s’il pleut ce jour-là, nous serons à l’abri !

 

D’ici là méfiez-vous quand même des “fantasques“ on ne sait jamais !

 

A vous revoir mes belins belines.

Le Gone

 

NDLR :  Le Gone est conscient qu’avec ces deux derniers messages sur les rues, il vous a imposé une lecture difficile voire fastidieuse… mais sachez que l’écriture n’en a pas été facile non plus pour lui, même s’il était très bien accompagné par Madame Josette Barre !

Il espère cependant que cela permettra à certains de mieux situer les ancêtres qu’ils ont sur cette colline…