23 - La CROIX-ROUSSE, brève histoire : La Croix-Rousse sous le Second Empire 1852-1870.



 

 2 : De nouvelles communications et la destruction des remparts.

 

Les Pentes faisaient partie de la ville depuis bien longtemps et aucune solution de continuité avec le reste de la ville n’existait plus depuis la destruction des fossés de la Lanterne (milieu du XVI°, voir le chapitre 4) et quand il fut créé sous le premier empire, le 1° arrondissement dans son ensemble était déjà bien intégré à la ville, il en était même alors le cœur.

Mais il n’en était pas de même du Plateau devenu le 4°, il était séparé par les remparts et son accès par les voies  existantes alors, n’était pas des plus aisés, nous l’avons souligné à multiples reprises… Le chapitre que j’ouvre aujourd’hui voudrait donc essayer de montrer comment on remédia à ces inconvénients.

 

Nous avons vu que lorsque les canuts investirent les Pentes (chapitre 13) bien des rues avaient été percées mais les voies d’accès au Plateau, en revanche, n’avaient pas beaucoup évoluées.

En plein milieu des Pentes s’ étendait le Jardin des Plantes installé dans la partie supérieure du clos des Dames de la Déserte en 1802. Il recouvrait pour une part l’amphithéâtre romain oublié et perdu, qu’on allait chercher à Fourvière pendant assez longtemps. Ce jardin de deux hectares devait être très agréable pour le quartier, mais il empêchait les nouvelles rues du Commerce (Burdeau) et des Tables Claudiennes (chapitre 16) de rejoindre la montée des Carmélites pour atteindre ce qui était maintenant le 4°.

Mais voilà que le Parc de la Tête d’Or commandé par Vaïsse aux célèbres jardiniers qu’étaient les frères Buhler, venait d’être enfin réalisé et pouvait, vers 1860, être ouvert au public… (J’avais esquissé l’histoire du Parc en parlant de la Guillotière). Il était donc plus facile pour le préfet de supprimer le jardin des Plantes, ce qui fut fait. Les gens de la Croix-Rousse n’avaient qu’à aller se promener le dimanche à la Tête d’Or et faire un tour sur le lac !  Ils l’avaient d’ailleurs bien mérité puisque, vous vous en souvenez peut-être, notre préfet avait ramassé tous les canuts au chômage pour creuser ce nouveau plan d’eau !

“Vaïsse confie alors à l’ingénieur Bonnet l’étude de l’ouverture des rues dans le jardin et le raccordement des quartiers situés à l’est de la Grande-Côte et à l’ouest de la montée des Carmélites“ (J-B p.114).

 

Prenez vite votre plan de Lyon !

En 1856, la rue du Jardin des Plantes est ouverte, elle sera reliée aux Terreaux en 1862  quand la rue Terme sera créée. La rue de l’Annonciade est élargie, la place Rouville aménagée, le Cours des Chartreux (général Giraud) est renforcé.

La rue du Commerce (Burdeau) est prolongée jusqu’à la rue de l’Annonciade.

La rue Cascade, nom rappelant la petite cascade du jardin des plantes, est tracée pour relier la rue du Commerce à la montée des Carmélites (La rue Cascade s’appelle depuis 1945 rue Lucien Sportisse, résistant + 1944).

La rue des Tables Claudiennes est aussi prolongée jusqu’à la montée des Carmélites.

Plus haut la montée du Mont Sauvage (actuellement montée du Lieutenant Allouche depuis 1945) est aménagée sur l’ancien tracé de la montée du clos Riondel pour relier, en lacets, la rue du Bon Pasteur au Plateau.

 

Voilà donc qu’avec tous ces travaux et une voiture à cheval pas trop poussif, il devenait plus aisé de gagner le 4° arrondissement, la ville avait bien travaillé en finançant ces opérations. Mais des initiatives privées vont aussi entrer en lice pour faciliter encore l’ascension du Plateau et tous les projets dont je vous fais grâce, aboutiront à la création, première mondiale, de la fameuse ficelle de la rue Terme, appelée aussi ficelle du Jardin des Plantes.

A ses débuts de conteur (c’était donc alors un  compteur bleu !), le gone, alors moins bavard qu’aujourd’hui (car on ne s’améliore pas forcément en prenant de l’âge !) avait raconté cette histoire, vous la retrouverez facilement avec les fautes d’orthographe d’origine… simplement et pour mémoire, j’emprunte ici quelques lignes de Josette Barre (p. 118) :

« Le 3 juin 1862, le funiculaire du jardin des Plantes ou “ficelle de la rue Terme“ est ouvert au public. Malgré quelques incidents techniques sans gravité, fortuits ou volontaires dans le but de faire baisser les actions de la Compagnie (Compagnie du chemin de fer de Lyon à la Croix-Rousse) et de les racheter ensuite 30% moins cher, le funiculaire connaît le succès escompté. En quelques minutes, Lyon et le Plateau sont reliés. Durant les sept premiers mois de fonctionnement, la ficelle transporte plus de 6.000 personnes par jour avec des pointes à 30.000 certains dimanches. C’est la promenade à la mode ! Pour deux sous, le prix d’un aller simple, les utilisateurs parviennent sans difficulté sur le Plateau, l’essentiel du trafic s’effectuant dans ce sens. Au mouvement des voyageurs, la Compagnie ajoute, en 1863, le transport des marchandises grâce à des plates-formes. En 1866, le funiculaire transporte plus de passagers que tous les services d’omnibus de Lyon et de sa banlieue »

Plus tard devant ce succès, une autre compagnie se créera en 1885, la Société du chemin de fer du funiculaire Croix-Paquet-Croix-Rousse. La deuxième ficelle de la Croix-Rousse sera inaugurée le 13 avril 1891, 29 ans après sa sœur aînée !

 

La  “ficelle à deux sous“  avec sa gare supérieure dont subsistent encore quelques bâtiments, va devenir un point de départ pour d’autres destinations. En 1860 se crée la Compagnie du chemin de fer de la Croix-Rousse à Sathonay et le 30 juillet 1863 la fameuse Galoche est mise en service permettant ainsi la liaison avec Sathonay où le Maréchal de Castellane avait créé le fameux camp militaire.

Ce train commençait par traverser le boulevard de la Croix-Rousse (des cartes postales de l900 nous le montre) puis, suivant la courbe de l’Express-Way (devenu en 1961 le boulevard des canuts), continuait selon le tracé de l’actuel du métro, son chemin vers Cuire pour gagner Sathonay par ce qui est devenu une promenade piétonne, les riverains n’ayant pas voulu, pour des raisons qui les regardent, une prolongation du métro…

En 1866 la ligne est rachetée par la Compagnie des Dombes et est ainsi reliée à ligne Sathonay-Bourg, mais n’allons pas si loin, revenons à la Croix-Rousse !

 

Si le 4° arrondissement de Lyon était enfin bien relié tant au sud qu’au Nord il restait encore séparé de la ville basse par ses rempart construits au temps des guerres d’Italie, renforcés aux cours des siècles et notamment après 1793.

Que voulait en faire le Préfet Vaïsse ? - je ne sais pas, mais lorsqu’en pleine activité il fut terrassé par la  “Grande Faucheuse“ le 8 août 1864, les remparts étaient toujours debout.

Séparant la ville de l’un de ses arrondissements, avaient-ils encore une raison d’être ? Le 20 juin 1865, Napoléon III, lui-même, répond à cette question :

« Les fortifications n’ont plus aucune raison d’être ; elles sont inutiles contre l’ennemi et nous ne sommes plus au temps où l’on se croyait obligé d’élever de redoutables défenses contre l’émeute. »

A leur place l’Empereur, en « témoignage de sa confiance dans le bon sens et le patriotisme de la population lyonnaise » (paroles citées par J-B), désire la création d’un vaste boulevard comme on n’en avait jamais vu à Lyon.

 

C’est encore l’ingénieur de la ville, Bonnet, qui élabore plusieurs plans avant d’aboutir, en 1866, au plan définitif qui sera adopté malgré toutes les récriminations des habitants qui n’avaient pas digéré l’emprise de la Ville sur leur ancien faubourg.

Sur le tracé des fortifications, démolies à partir de 1865, un boulevard de 36 mètres de large, contre les 40 mètres prévu au départ, avec une chaussée de 12 mètres, relie le quartier du Fort Saint Jean à celui de la caserne et du bastion Saint Laurent. En effet l’armée gardait ces bâtiments extrêmes. Un square prévu à chaque extrémité garantit aux militaires le dégagement nécessaire.

A l’ouest, le boulevard est raccordé au cours des Chartreux (Général Giraud) grâce au déblai des fortifications. D’autres raccordements de rues sont aussi opérés.

Les terrains restés libres, soit plus de quatre hectares, sont lotis afin que les immeubles que nous voyons aujourd’hui soient construits, il y en a de fort beaux.

Entre 1867 et 1869 la nouvelle et majestueuse mairie du 4° est édifiée au 133 Bd de la Croix-Rousse, selon les plans de Desjardins, architecte en chef de la ville. La construction coûte 250.000 francs. Elle abrite alors les services d’état civil, de la Justice de Paix, la Caisse d’Epargne de la Croix-Rousse et la gendarmerie“ (JB p.123).

 

Mais voilà, la guerre de 70 va arriver, Napoléon III va être fait prisonnier pour finir ses jours en exil en Angleterre (+ le  1873). La Troisième République succèdera à l’Empire, mais la Croix-Rousse ne connaîtra plus jamais une telle transformation.

 

Je vous souhaite une bonne promenade sur le grand boulevard, seul ou bien accompagné (j’y vais, quant à moi, avec ma Fenotte). Vous ne pourrez plus prendre les ficelles, mais de grâce laissez votre voiture (ne participez pas à l’asphyxie urbaine!), prenez le métro et descendez  place de la Croix-Rousse.  Après avoir salué Jacquard de la part du Gone, laissez vous glisser “pedibus cum jambis“, jusqu’au “Jardin des Plantes“ et aux Terreaux par le boulevard et le  “cours des Chartreux“,  à la belle saison vous ne le regretterez pas ! Il fait si bon se promener sur ce boulevard, le Gone aime bien y déambuler certains matins à travers les étals du magnifique marché qui investit le large trottoir méridional…

 

 

Suite du feuilleton au prochain numéro… Courage, l’histoire va bientôt toucher à sa fin.

Heureusement, car des travaux importants de relevés pour Généagier m’attendent…

Ménagez vous mes belines et belins !

 

Le Gone.