3 - La CROIX-ROUSSE, brève histoire : Le MOYEN-AGE


Après tous les troubles que nous avons évoqués à la fin du premier chapitre, Lyon entre dans un long sommeil sous la domination des Burgondes jusqu'en 534 puis celle de Mérovingiens .

La colline de Fourvière est désertée, il n'y a plus d'eau, le plomb des aqueducs a été pillé par les barbares, la ville s'est réfugiée en bas, sur la rive droite de la Saône entre Saint Laurent de Choulans et Saint Paul, le groupe épiscopal de Saint Jean est devenu le nouveau centre de la citée.

Le confluent se situe maintenant au pied de l'abbaye d'Ainay,  fondée vers 330 par saint  Badulphe, plusieurs fois ravagée par les barbares et reconstruite au début du XII°.  La petite île, "Athanaco" (Ainay) et l' île des Canabae sont, avec d'autres,  rattachées au pied de la colline par les alluvions et peut être aussi par le travail des moines, pour former la presqu'île.

Mais bien que, depuis le XI° siècle, le pont de pierre avec sa fameuse "arche des merveilles" remplace sur la Saône le pont romain disparu, pour relier la rive droite à la presqu'île, celle-ci est  très peu habitée. Il y a seulement quelques maisons autour d' Ainay et quelques autres autour de l'église des Saints-Apôtres (première église St Nizier ) construite à une date incertaine du VI° siècle, peut-être pour recueillir les reliques des martyrs de 177. Au bas des pentes nous trouvons le Bourg Saint Vincent sur les restes de  l'ancienne Condate.

Si  depuis le IX° siècle, au temps de Charlemagne, avec l'évêque Leidrade, un bavarois, proche conseiller de l'empereur, puis avec  l'évêque Agobard, un méridional, Lyon avait repris sa place dans l'histoire, son rayonnement était surtout religieux et intellectuel et la ville ne grandit pas beaucoup…  il n' est toujours pas question de la Croix-Rousse !

La colline est complètement délaissée, la communication routière avec le nord du royaume ou de l'empire se fait dorénavant par la rive droite de la Saône… et les monuments romains servent de carrière pour construire les nouveaux couvents ou églises de la ville et le pont de la Saône.

 A partir du XIII° siècle les choses vont quand même évoluer mais à travers bien des affres.

La ville médiévale va peu à peu prendre forme et s'organiser.

Des groupes religieux s'installent, l' abbaye Ainay n'est plus seule. D' origine très ancienne, le couvent bénédictin des Dames de Saint Pierre, aux Terreaux,  avait été reconstruit au XII° siècle. En 1220 les franciscains cordeliers arrivent sur la presqu'île. Rive droite se constituent les chapitres de Saint Just, Saint Paul et surtout celui de Saint Jean.

Les chanoines comtes de ce dernier se partagent, géographiquement,  le pouvoir de l'archevêque sur tout le lyonnais. (C'est ainsi, par exemple, qu'un Chanoine sera en charge, comme seigneur mansionnaire de Saint Foy lès Lyon, le pays natal du Marc.)

L' importance religieuse de Lyon est grande dans la chrétienté d'alors, si bien que deux conciles y ont lieu, le premier en 1245 pour déposer l'empereur Frédéric II, le second en 1274 pour réconcilier provisoirement l'Eglise byzantine avec celle de Rome. Ce dernier concile se déroulera sous  l'impulsion de celui qui deviendra Saint Bonaventure et le saint homme mourra, chez ses frères cordeliers avant la fin de la session.

 Cependant, comme nous l'avions vu en parlant du pont de la Guille, le monde des marchands et des hommes de loi émerge face au pouvoir de l' Eglise, ce qui ne manque pas de créer quelques conflits. Ces familles de bourgeois assez riches, drapiers, pelletier, juristes… possèdent alors plusieurs maisons autour de St Paul ou de St Nizier.

En 1320 cette nouvelle aristocratie arrache à l'archevêque la fameuse "Sapaudine", charte de franchise instituant le consulat : douze consuls administrent la ville, ils sont élus pour un an par les maîtres des métiers.

C'est aussi l'époque des confréries de toutes sortes qui structurent la société.

A partir de 1420 deux foires annuelles sont créées à Lyon, puis une troisième en 1445 et une quatrième en 1463. Ces foires qui contribueront à la prospérité de la ville protégée maintenant dans ses remparts.

Si la guerre de 100 ans épargna la ville, les épreuves ne manquèrent pas, surtout avec la peste qui, en 1348, va, en quelques mois emporter près de la moitié de la population…

En 1533 l'Aumône générale est créée pour venir en aide aux malheureux (Cf l'histoire de la Charité racontée, entre autres, par le Gone !).

Voilà trop rapidement évoquée et esquissée la ville à l'extérieure de laquelle va se trouver la Croix-Rousse, plateau et pentes… il est grand temps d'y revenir avant que tous les gones natifs de là ne se désespèrent !

 

Eh bien la Croix-Rousse, coupée de cette ville par les fossés de la Lanterne qui, au niveau des Terreaux, entre Saône et Rhône, protègent la presqu'île des incursions indésirables, devient la campagne qui, de plus en plus, va nourrir la ville qui s'agrandit.

Si le plateau, sans eau, est alors couvert de champs de céréales, sur les pentes mieux exposées les céréales cèdent progressivement le terrain à la vigne, par exemple les vignes de la Varissonnière et de la Mure.

Ce n'est pas pour rien qu'on a donné au Bourg St Vincent le nom du patron des vignerons !

C'est dans ce bourg, rejeté lui aussi en dehors des remparts qu' habitent, entre autres,  les cultivateurs et les vignerons. Je vous renvoie ce que j'ai raconté autrefois sur le Bourg St Vincent…

Les propriétaires des terres habitent, eux, à l'intérieur des murs.

Mais il faut reconnaître que la colline ne se porte pas plus mal d'être en dehors de la ville, elle échappe à son contrôle et fait partie depuis 1398 du Franc-Lyonnais  et cette appartenance n'est pas sans lui apporter des avantages fiscaux qui favoriseront son commerce avec Lyon !

Le Franc-Lyonnais était une petite région limitée au nord et à l'est par la Bresse et la Dombes, à l'est et au sud par la Saône et Lyon. Ses habitants s'étaient placés sous la protection du roi de France. Ils devaient remettre au roi 3.000 livres tous les huit ans, mais ils étaient exemptés des impôts sur les produits, ce qui n'était pas négligeable.

 A Saint Vincent et au pied des pentes, des communautés religieuses s'installent : les Augustins en 1269, les Carmes en 1291 et les Clarisses en 1304. Ces dernières, appelées aussi Dames de la Déserte, construisent leur couvent à l'emplacement de notre place Sathonay. Bénéficières de nombreuses donations comme les vignes citées plus haut, ces religieuses occupent, vers 1450, un domaine de trois hectares en plein centre des pentes.

En dehors du Bourg St Vincent et des bâtiments de la Déserte, nous ne trouvons, au Moyen-Âge, que quelques maisons le long des chemins qui traversent la colline Saint Sébastien.

C'est au Moyen-Âge, en effet, que notre colline prit le nom du célèbre martyr originaire de Narbonne et mort à Rome vers 288. Quand on sait que "sébastos" signifie en grec quelque chose comme "honoré par Dieu" je ne peux m'empêcher de croire que ce nom était prémonitoire pour notre colline comme nous le verrons par la suite.

Une petite chapelle dédiée à Saint Sébastien se trouvait d'ailleurs au sommet des pentes.

Une recluserie, sorte d'ermitage, se trouvait aussi sur le versant est, la recluserie de Saint Clair où, bien sûr, nombre de mal-voyants se rendaient en pèlerinage pour implorer le célèbre saint qui donnera, plus tard, son nom à tout un quartier dont j'ai déjà aussi parlé… (Car je parle beaucoup : L'avez-vous remarqué ?)

Mais revenons aux chemins qui alors gravissaient péniblement notre colline.

A l'ouest la côte Saint Vincent suit le tracé de la voie romaine, C'est aujourd'hui la montée de Carmélites.

Au centre  la Grande Côte Saint Sébastien, future Grand'Côte, d'abord simple chemin au milieu des vignes devient la voie principale. Au sommet, elle est prolongée par un chemin qui se dirige vers la Bresse, c'est le "grand chemin tendant de Lyon  à Sathonay, Fontaines, Rochetaillée, Vimy". Ce chemin deviendra dans le futur faubourg la grande rue de la Croix Rousse !

A l'est, le troisième et dernier chemin est la côte qui deviendra la Montée Saint Sébastien que nous connaissons aujourd'hui.

Ces trois chemins donnent naissance à des embranchements secondaires pour la desserte des différents champs de céréales et domaines. Quand, bien plus tard les terrains seront lotis, nous retrouverons ce réseau de  chemins plus ou moins recouverts par nos rues actuelles, je vous invite à prendre un plan de Lyon… :

A l'est, la rue des Chartreux, la rue Philippe de Lasalle, le chemin du Vallon, la rue Chazière, la rue Denfert-Rochereau et la rue Henri Gorjus,

Au centre, la rue de Cuire, la montée de la Boucle, la rue de Margnolles,

A l'est la rue de Belfort et la rue Joseph Soulary .

Toutes ces rues trouvent donc déjà au Moyen-Âge la source de leur tracé !

 

Voilà,  ce sera tout pour cette semaine, mais n'est-ce pas assez ?

J'espère que, par l'intercession de Saint Clair, tout est limpide !?

Je vous dis donc à la semaine prochaine pour aborder l'époque de la Renaissance.

D' ici là digérez bien ma prose et ménagez-vous !

Le Gone.

 

P-S :

Eh bien, il en sait des choses mon gone !

Oui mais je dois quand même vous avouer que je lui  souffle beaucoup de renseignements trouvés dans mes livres et particulièrement dans l'excellent ouvrage de Josette Barre, déjà indiqué : "La colline de la Croix-Rousse".

Marc.