6 - La CROIX-ROUSSE, brève histoire : Au XVII° et XVII° "la colline qui prie".


 

Bonjour les gones, voici un nouveau chapitre, je ne sais pas encore quelle longueur il aura, mais attendez-vous au pire !

 

Le grand historien du XIX° siècle, Jules MICHELET (1798-1874), a eu une formule qui a fait fortune, quand il opposa, parlant de Lyon, la colline qui travaille, la Croix-Rousse, à la colline qui prie, Fourvière.

Cette image a tellement marqué les lyonnais que nombre d'entre vous ont du penser à une nouvelle "gognandise"  du gone appelant notre Croix-Rousse "la colline qui prie"!

 

Et pourtant ce qui était vrai du temps de Michelet, ne l' était pas aux XVII°- XVIII° siècles.

La colline qui prie, comme nous allons le voir, c’était bien la Croix-Rousse et spécialement ses pentes, c’était là un juste retour pour celle qui s’était appelée "Sébastien", "honoré par Dieu" !

 

Le XVI° siècle, qui fut le siècle de la Renaissance, connut aussi les guerres entre les Catholiques et les Protestants, rivalisant de fanatisme et d' atrocités. Il faudra plus tard un Henry IV pour sceller, avec l’édit de Nantes, une certaine réconciliation ou plutôt un "modus vivendi" entre les confessions …

 

Lyon ne fut pas à l’écart de ces guerres de religion, j'énumère rapidement quelques faits :

Le 5 juin 1560 un jeune Protestant, profanateur de l’hostie, fut pendu à l’issue de la procession de la Fête-Dieu.

Barthélemy Aneau, principal du collège de la Trinité, soupçonné de protestantisme, fut assassiné en juin 1561.

Dans la nuit du 29 au 30 avril 1562 les réformés s’emparèrent de l’Hôtel de ville et, le 7 mai du château de Pierre-Scize.

La cathédrale Saint Jean et l’église  Saint Nizier furent profanées, l’église Saint Just détruite ainsi que les cloîtres d'Ainay et des Jacobins

Le Baron des Adrets et ses troupes mettent la ville à sac.

 

Un tiers des lyonnais avaient adhéré à la Réforme. Lyon restera un an sous l' emprise du célèbre Baron, puis du seigneur de Soubise. Cette occupation ne fut pas totalement négative au point de vue urbanisme car c'est pendant cette année que furent ouverts le Chemin-Neuf et les rues du Pont du Rhône (rue de la Barre), de la Bellecordière et de Saint Dominique (Emile Zola). Le Baron assécha aussi quelques marais pour créer la place Bellecour  afin de faire manœuvrer ses troupes. Plusieurs temples furent construits.

Lyon était devenue une métropole protestante contrôlée par un consulat à majorité protestante et un Conseil de l'Eglise réformée où siégeait le pasteur Pierre Viret.

Les Protestants mirent fin à l'occupation de la ville le 15 juin 1563 à la suite de l'édit d'Amboise qui leur donnait l'amnistie et la liberté de culte.

   

Mais la résistance catholique s'organisa avec le Collège de la Trinité dont les Jésuites avaient pris la direction.

La nouvelle de la Saint Barthélemy (24 août 1572) provoqua à Lyon la tuerie des "Vêpres Lyonnaises" où furent occis plusieurs centaines de protestants. Le Gouverneur Mandelot, voulant, semble-t-il,  protéger les Protestants, les avait emprisonnés, ce qui permit en fait à la foule de mieux les massacrer.

Bref cette période de l'histoire, comme toute guerre civile ou de religion, fut très triste et un énorme gâchis dont les pierres de Saint Jean, elles-mêmes, gardent la trace.

 

Ebranlée par la nouvelle doctrine des réformateurs et par leur contestation d’une chrétienté ayant perdu la saveur évangélique, au pouvoir d’une hiérarchie romaine enlisée dans des confortables habitudes et rivalisant en cela avec les puissants du monde , l’Eglise romaine va enfin réagir et c’est la Contre Réforme  Catholique initiée par le fameux Concile de Trente. Il ne m’appartient pas ici d’apporter un jugement sur ce Concile qui apportait des réformes bien nécessaires, mais aussi hélas, des condamnations consacrant la séparation des deux confessions chrétiennes que furent dorénavant le Catholicisme et le Protestantisme.

Cependant cela va avoir des conséquences sur la vie et l'occupation de nos quartiers.

 

Vous pensez peut-être : "le gone parle, parle… mais où est la Croix-Rousse dans tout ça ?"

Eh bien j'y arrive !  (Tranquillisez-vous, je ne suis pas payé à la ligne !)

 

Après les guerres de religions et à la faveur de la Contre Réforme, le XVII° siècle inaugure à Lyon une période de ferveur religieuse extraordinaire.

Sont créées diverses compagnies : celle du Saint Sacrement pour "entreprendre tout le bien possible et éloigner tout le mal possible", celle de la Propagation de la Foi pour convertir les hérétiques.

Le premier séminaire Saint Irénée est créé pour la formation des prêtres. Il est implanté place Croix Paquet (j'en ai déjà parlé, tan pis !). Située au bas des Pentes, côté Rhône cette place, selon Louis Maynard, fut d'abord appelée place de la Croix du Griffon, puis place du Compère, puis place de la Croix de Rampeaux (rameaux) et enfin place Croix Paquet, du nom de Jean Pasquet, bourgeois de Lyon qui fit rétablir, en 1628, la croix renversée par les Calvinistes en 1652.

 

Le Collège de la Trinité (Lycée Ampère actuel), avec le Père Ménestrier et les Jésuites connaît un grand rayonnement. Il est bien dommage que je ne puisse pas parler ici de Claude François Ménestrier (1631-1705), grand lyonnais et grand Jésuite mais aussi immense érudit qui consacra, entre autres, plusieurs ouvrages à l'histoire de Lyon…

De 1659 à 1687, s’élèvent, selon les plans de François de Royers de La Valfenière, avignonnais architecte du roi, les nouveaux bâtiments de  l’abbaye des Dames Bénédictines de Saint Pierre. C’est aux Terreaux, le splendide bâtiment de  notre actuel musée des Beaux-Arts.

Des communautés masculines et féminines se multiplient et, comme nous l'avons déjà vu, il n'y a guère de place ailleurs, elles vont s'établir sur les pentes de Fourvière et surtout sur les Pentes de la Croix-Rousse, et même aussi sur le Plateau.

 

A Fourvière arrivent les ermites de Saint François d’ Assise appelés les Minimes, les Capucins du chemin de Montauban et, à proximité, les Carmes Déchaussés (lieu actuel des archives départementales section ancienne), les Bénédictines des Chazeaux et  les Visitandines de l’Antiquaille (dans l’ancienne maison de Pierre Sala).

 

Sur les pentes de la Croix-Rousse, nous avions déjà les Clarisses de la Déserte (voir au chapitre 3) et en moins d'un siècle, entre 1584 et 1665, le Pentes vont se couvrir de pas moins de quinze autres couvents  ou maisons religieuses que j’énumère à la suite de Max Bobichon  (dans "Saint Vincent, un quartier des bords de Saône"):

 

La Chartreuse du Lys du Saint Esprit (1580),

les Ursulines (1612),

les Carmélites (1616 et 1647),

les Oratoriens (1616),

les Feuillants (1619),

les Capucins du petit Foreys (1622),

les Annonciades célestes ou Bleues Célestes (1624),

la Visitation Sainte Marie des Chaînes (1640),

les Bernardines (1642),

le Prieuré Saint Benoît (1658),

les Colinettes (1661), le Séminaire Saint Irénée (1664),

le Bon Pasteur 1675,

les pénitents du Saint-Crucifix (1589),

les pénitents de Notre Dame de Lorette (1658).

Rien que ça !

C'est comme le dit Josette Barre, c'est une véritable "colonisation religieuse".

Les communautés religieuses des Pentes, avec leurs jardins et leurs terres cultivées, occupent alors un tiers de la surface bâtie de Lyon avec 10 habitants par hectare contre 1.000 dans le centre-ville.

 

Quelques familles occupent le reste des terres, comme les Mazuyer de la Tourette dans le haut des Pentes, les Vouty au domaine de la Belle-Allemande, les Orsel au domaine du Val.

Les Pentes, bien que faisant partie intégrante de la ville depuis la Renaissance vont donc garder un caractère très rural jusqu' à la Révolution et toute tentative de création de nouvelles rues sera vouée à l'échec par les propriétaires.

 

A l'extérieur des mûrs, sur le Plateau, nous assistons encore, mais plus tardivement, à l'installation d'autres maisons religieuses, heureusement, moins nombreuses !

Nous avons  au bout de la Grande Rue, à l'endroit de l'ancien hameau de la Croix-Rousse l'installation des Augustins Réformés (à partir de1625), le clocher de l'église Saint Denis est un vénérable vestige de leur convent.

Mais nous avons aussi, à l'ouest du Plateau, les Missionnaires de Saint Joseph (1686), à l'ouest du chemin de Garanjard (rue Philippe de La Salle), les séminaires de Saint Pothin et de Saint Charles (entre 1738 et 1747), les "petites écoles" tenues par des religieux qui accueillent les enfants pauvres de "Cuire La Croix-Rousse", et enfin, entre le chemin de Terrenoire (rue Henri Gorjus) et le chemin de l'enfer (Danfert-Rocherau). le pensionnat des Jésuites pour les enfants riches.

 

Mais, nom de rat, je m'aperçois que je dépasse les limites du supportable !

Il faut que je m'arrête pour aujourd'hui si je ne veux pas perdre des lecteurs !

Dans le prochain chapitre, il faudra quand même, que je revienne sur certains couvents importants… Avis aux libres-penseurs et autres  anti-cléricaux !   Quant à moi, je suis "blindé"…

 

A vous revoir très bientôt, mes belins belines.

 

Le Gone.