7 - La CROIX-ROUSSE, brève histoire : Au XVII° et XVII° "la colline qui prie".
Suite 1 : Les Pentes.


 

Bonjour !

Sans vouloir vous inviter à "entrer en religion",  je voudrais, aujourd'hui, sans forcer personne à me suivre, regarder quelques convents qui occupèrent notre colline de la Croix-Rousse et marquèrent son histoire au XVII° et XVIII° siècles

 

Commençons par les Pentes.

 

En bord de Saône, nous avons, d'ouest en est, Ste Marie des Chaînes, les Chartreux et St Benoît.

 

La visitation Ste Marie des Chaînes, que j'ai déjà évoquée lors de notre " Promenade quai d'Hallincourt et quai Sainte Marie…", fut fondée vers 1640 par Antoinette Guinet de Monfort, sur ses propres deniers, après un séjour à la Visitation de Bellecour.  Sur des terres ayant été achetées en 1641 et 1682 et ayant appartenu à Sieur Moreni, milanais d'origine et citoyen de Lyon, vécurent en 1705, 63 religieuses, 3 sœurs tourières, 2 servantes et 4 valets. La propriété de 6,3 hectares comprenait, outre les bâtiments dont "subsistent" des restes aux "Subsistances", un jardin potager, des vignes, des vergers et des jardins.

 

La Chartreuse du Lys du Saint Esprit, avec ses 23,8 hectares s'étendant de la Saône aux remparts de la Croix-Rousse,  était de loin le couvent le plus étendu des pentes. Il fut fondé en 1584 par les Chartreux venus de la Grande Chartreuse, avec l'autorisation d' Henry III qui lui donna son nom et ses armes : "la fleur de lys sous la colombe aux ailes ouvertes et au bec plongeant". La propriété avait appartenu à la famille de la Giroflée depuis 1427.

Le lycée des Chartreux actuel n'occupe qu'une partie de l'emplacement de l'ancienne Chartreuse.

Le clos des Chartreux comprenait alors en son centre les bâtiments : le Grand Cloître (disparu de nos jours, il se trouvait à l'emplacement de la place des Chartreux) avec ses 26 maisons ou cellules disposées tout autour, le Petit  Cloître (encore visible), l'église Saint Bruno , et l'hôtellerie (belle grosse maison de style dauphinois qui domine toujours les Pentes).

Tout autour des bâtiments, la surface était plantée de beaucoup de vignes (le clos Jouve en faisait partie et le vin des Chartreux était, paraît-il excellent !), d'un peu de céréales et de légumes.

La construction de l'église Saint Bruno, magnifique monument baroque, a commencé en 1590.

De 1590 à 1604, Jean Magnan construit la première église (chœur des Chartreux). De 1735 à 1750, Ferdinand Delamonce agrandit l'église. De 1868 à1872, Sainte-Marie-Perrin construisit la façade, dans le même style. (Aujourd'hui l'église est fermée pour restauration, mais il faudra la visiter un jour!).

 

Le Prieuré St Benoît était situé plus en aval, vers la rue St Benoît actuelle (anciennement rue Tuillière, car on y travaillait la glaise que l'on trouvait ici), on peut encore voir des restes importants de la maison à cet endroit.

Sur un terrain de 2,72 hectares, ce prieuré qui dépendait du Chapitre de Saint Paul, était un couvent de Bénédictines venues de Blyes dans l'Ain, et installées ici en 1658.

 

Entre les Chartreux et la montée St Vincent (Carmélites) nous avons, au nord les Carmélites et au sud les Annonciades.

 

Le monastère des Carmélites fut créé de 1616 à 1647, sur un terrain de 4 hectares, par Jacqueline de Harlay, femme de Charles d'Halincourt de Villeroy Gouverneur de Lyon (ce dernier est maintenant pour nous, une vieille connaissance !).

Dans ce couvent appelé Notre Dame de la Compassion de Lyon, s'installèrent des Carmélites venues du monastère de l'Incarnation de Paris où la sœur de Jacqueline de Harlay était religieuse.

D'après Clapasson dans "Description de la ville de Lyon" (1741) "Cette maison est un monument remarquable et la piété et la magnificence de la maison Neuville de Villeroy en fait un des plus beaux monuments de la ville".

Il ne reste hélas aujourd'hui, pas grand-chose du bâtiment si ce n'est une ancienne porte de la chapelle au n° 20 de la montée.

 

Au-dessous du monastère des Carmélites, entre le prieuré Saint Benoît et  la montée Saint Vincent (des Carmélites) se trouvait le couvent des Annonciades Céleste, appelées encore "Bleues Célestes" (Pourquoi pas ? N'était-ce pas bienvenu dans le ciel lyonnais ?).

Ce monastère fut fondé par Madame Gabrielle de Gadagne, comtesse de Chevrière, en 1624. La propriété avait 1,31 hectare.

L'entrée du 26 montée des Carmélites, porte toujours cette inscription "Le premier monastère de l'Annonciade Céleste 1624" , c'est maintenant la porte  du convent des religieuses Saint Charles, couvent qui, paraît-il, conserve des vestiges de la maison primitive.

La rue de l'Annonciade relie aujourd'hui la place Rouville à la montée des Carmélites.

 

Entre la Côte Saint Vincent et la Grande Côte, nous avons encore du nord au sud : Le Bon Pasteur et la Déserte.

 

Au XVII°, les Dames du Bon Pasteur s'installèrent vers l'église (datant de 1879) qui porte ce nom en leur souvenir.  Elles donnaient "asile aux personnes du sexe, tyrannisées par le vice, mais dans le dessein de rompre avec leurs mauvaises habitudes" : Tout un programme !

 

Pour la Déserte datant de 1296, je vous renvoie au chapitre précédent sur le Moyen-Âge…

 

Entre la Grande Côte et la Montée Saint Sébastien nous avons, toujours du nord au sud, Les Bernardines, les Oratoriens, les Capucins du petit Foreys et les Ursulines.

 

Peut-être fondé par une sœur de Saint Bernard de Clairvaux, l'ordre des Bernardines s'implanta à Lyon en 1631 d'abord près du Gourguillon, puis rue du Garet et enfin, en 1642 sur les Pentes. Leur clos était très grand. L'église Saint Bernard, construite en 1866 et aujourd'hui désaffectée, est située sur le terrain de ces religieuses auxquelles elle doit son nom.

 

En dessous, les Oratoriens vinrent chez nous en 1616. Ce sont des disciples de Saint Philippe Nery et de Berulle. Ils tirent leur nom de la chapelle de l'Oratoire, où ils se réunissaient à Paris. Cette congrégation préposée à la formation des prêtres vint à Lyon pour répondre à l'invitation de Denis de Marquemont, Archevêque de Lyon.  Vers 1621 les Oratoriens s'installèrent dans la maison de campagne des Capponi, sur les Pentes.

La rue Capponi (rue de l'Amandolière au XIV°), entre  la rue Imbert Colomès et la rue des Tables Claudiennes, garde le souvenir de cette famille de banquiers florentins venue à Lyon à la Renaissance. Laurent Capponi qui avait épousé Hélène de Gadagne fut un bienfaiteur des pauvres mais aussi des Oratoriens.

De cette congrégation, il nous reste l'église Saint Polycarpe  qui devint, à la Révolution, l'église d'une nouvelle paroisse. La rue Saint Polycarpe qui mène à l'église, s'appelait encore, avant 1814, la rue de l'Oratoire.

Polycarpe, évêque de Smyrne où il mourut martyr en 155 fut disciple de l'apôtre Jean et maître de Saint Irénée, évêque de Lyon après le martyre de Saint Pothin en 177, aussi fut-il toujours honoré dans notre ville.

 

Il est intéressant de noter que le premier curé de cette paroisse Saint Polycarpe, fut l'abbé Jean François Rozier (1734-1793). Ce personnage fut un grand botaniste (c'est lui qui fit la nomenclature des ceps beaujolais !). Il fut aussi successeur de Bourgelat à la direction de l'école vétérinaire où il enseignait. C'est le 18 septembre 1791 qu'ayant accepté la Constitution civile du clergé, il fut choisi comme curé de Saint Polycarpe.  Le nom d'une rue, toute proche, située entre la rue René Leynaud et la place du Forez rappelle le souvenir de ce grand homme qui mourut pendant le siège de 1793, emporté par un éclat de boulet.

 

Arrivons aux Capucins du petit Foreys. Les capucins, branche réformée des Franciscains, vinrent d'Italie s' installer vers 1574 sur les pentes de Fourvière, montée des Capucins (depuis 1854 montée des Carmes Déchaussés, les généalogistes lyonnais connaissent bien !) : c'était "le grand couvent".

Pour créer un deuxième couvent, André Coste, banquier génois acheta, au pied de la colline Saint Sébastien et de la Grande Côte, une propriété appartenant à Jean de Foreys. La fondation date de 1627. L'emplacement de ce convent a été en partie recouvert, depuis, par la Condition des soies et la place du Petit Foreys, devenue place du Forez.

En 1810 la Grande Rue Neuve des Capucins (actuelle rue des Capucins : Bonjour Josiane !), traverse leur ancienne propriété.

Les Capucins furent le grand secours des pauvres, ils furent aussi, très dévoués, pendant la peste de 1628, dix-huit d'entre eux succombèrent au fléau. Et ce sont encore eux qui, jusqu'à la Révolution, faisaient office de pompiers : Ils eurent les premières pompes et répondait aux alarmes de la population.

 

 

Voisines des Capucins à l'Est, nous trouvons encore les Ursulines. Cette congrégation fondée en 1525 par Angèle Merici de Brescia (Italie) et destinée à l'éducation des jeunes filles, s'installa successivement dans plusieurs maisons des Pentes à partir de 1612 : entre la  grande et la petite rue des Feuillants, puis 33 rue Vielle Monnaie (René Leynaud),puis vers la future rue Coysevox. Le jardin des Ursulines, planté de beaux arbres et arrosé par plusieurs sources, s'étendait de la rue Romarin à la place Croix-Paquet

 

Notre promenade est longue, c'est un véritable pèlerinage sinon… un chemin de croix !

On continue ?

Nous arrivons maintenant à l'est des pentes, entre la montée Saint  Sébastien et le Rhône ou nous rencontrons les Colinettes, le séminaire Saint Irénée et les Feuillants

 

En haut de la balme  Saint Clair, les Colinettes auraient pu tirer leur joli nom de leur situation géogrphique, mais en fait, ce nom vient de la famille de Coligny qui en 1661 avait subventionné l'achat de la maison Mamejean entourée de jardins et de vignes, pour l'installation de ces religieuses contemplatives de Sainte Elisabeth dont le couvent était à Roanne. En 1669, la recluserie Saint Sébastien qui dépendait d'Ainay est donnée aux Colinettes. J'ai déjà évoqué cette chapelle située en haut de la Montée Saint Sébastien actuelle, alors "chemin tendant de la Place des Terreaux à la recluserie Saint Sébastien". La recluserie fut démolie à la Révolution, mais le monastère devint caserne puis, en 1859, annexe de l'hôpital Desgenettes sous le nom de Villemanzy et enfin, ces dernières années, lieu d'accueil pour les étudiants étrangers. Je trouve cette vaste maison très belle.

 

Nous ne nous arrêtons pas longtemps au Séminaire Saint Irénée dont j'ai souvent parlé (Cf "le pain d'épices de Francheville"). La première pierre de ce séminaire  fut posée en 1677 sur un terrain en pente, de 2,50 hectares, situé à côté de la Croix Paquet.

 

Et nous arrivons aux Feuillants ou monastère Saint Charles, patron de leur bienfaiteur, Charles Neuville d' Hallincourt, encore lui !

Les Feuillants étaient une branche de l'ordre cistercien (Cf. Saint Bernard de Clairvaux, moine à Cîteaux en 1112). L'abbaye cistercienne de Feuillant, située à 24 kilomètres de Toulouse, a donné son nom à ces moines.

Ils viennent à Lyon en 1619. En 1621, ils construisent leur église, Saint Charles, où fut enterré  Cinq-Mars, roué place des Terreaux en présence de Richelieu en 1642. C'est peut-être pourquoi, vers cette église démolie, se trouve encore la rue de Thou, personnage exécuté avec Cinq-Mars ?

La première pierre du vaste couvent des Feuillants situé au-dessus de la berge du Rhône, est posée le 30 mars 1663.

Aujourd'hui seules les  Grande et Petite Rues des Feuillants rappellent ici le souvenir des moines.

 

Pour ne rien oublier en matière de maisons religieuses sur nos Pentes, il me faut encore et enfin mentionner deux sociétés de Pénitents.

 

Les  Pénitents noirs du Saint Crucifix qui aidaient les Directeurs de la Charité à "procurer à de pauvres filles un établissement honnête et à placer en apprentissage des enfants sans ressources".

 

La confrérie des Pénitents blancs de Notre Dame de Lorette qui fut fondée à Lyon en 1658. Lorette près d'Ancône en Italie, où une légende de l'époque affirmait que la maison de la Vierge s'était transportée !… Lors de la peste de 1582, les échevins avaient envoyé là-bas des émissaires pour prier Notre Dame de Lorette et, bien sûr, la peste avait cessé !

Par la suite les lyonnais fondèrent, en 1658, l' association des Pénitents de N-D de Lorette et, en 1716, la confrérie construisit une église derrière le couvent des Feuillants. La rue de Lorette garde à cet endroit le souvenir des Pénitents.

 

Sainte Marie des Terreaux ! Sainte Apoplexie !  Je m'aperçois de la longueur de ce message !

Pour me faire pardonner, je propose de partager avec ceux qui l'auront lu, toutes les indulgences que j'ai gagnées en l'écrivant !

La prochaine fois, nous monterons sur le Plateau, là où l'air est si pur et le soleil si clair. Là-haut aussi il y eut des maisons religieuses !

 

A revoir, je vous coque pieusement tous ensemble et j'espère que le "matefaim" d'aujourd'hui va tâcher moyen de vous occuper au moins une semaine, car ces "massages" sont plus vite envoyés sur la "toile", qu' étalés sur mon papier  !!!

 

Le Gone.

 

P-S : Mais qui arrêtera notre ami le Gone ? !…

 

Je note qu'il n'a parlé ni des Grands Augustins ni des Grands Carmes des Terreaux…

Quand je lui en ai fait la remarque, il m'a rétorqué que ces couvents étaient  au sud du Bourg Saint Vincent, quasiment aux Terreaux ,et que pour les Grands Augustins, qui occupaient déjà en 1319, l' actuelle église Saint Vincent et la Martinière des garçons actuelle, il en avait déjà parlé autrefois dans "Le quartier Saint Vincent". Quant aux Grands Carmes que vous voyez aussi sur votre plan, ils s'étaient établis là dès 1303 !

Je dois vous dire aussi que c'est dans le livre sur le quartier Saint Vincent de Max Bobichon qu' ont été trouvés les éléments de ce pèlerinage.

 

Marc.