Guignol, un gône de Lyon
Guignol est certainement la
marionnette la plus connue au monde.
Elle fait partie du patrimoine lyonnais mais elle appartient surtout à la
classe populaire et en particulier aux tisseurs de soie, les canuts, exploités
par les riches fabricants et oppressés par les pouvoirs publics.
Laurent Mourguet naît à Lyon en 1769 et grandit dans le milieu ouvrier. Son père était maître tisseur et marchand fabricant. Lorsqu'il se maria avec Jeanne Esterle en novembre 1788, Mourguet était "ouvrier de soie". Ils eurent dix enfants en dix ans !
Trop souvent victime de la "meurte" (la morte saison, lorsque le travail manque) en pleine période révolutionnaire, il délaisse le métier à tisser, pour devenir marchand forain et assurer la subsistance de sa famille. Pendant cinq ans, il fait les marchés et les foires. Puis il devient arracheur de dents à Lyon en 1798, profession d'accès libre à cette époque.
Mais ses grosses tenailles faisaient horriblement peur. Les villageois tremblaient en entendant les cris que provoquait chaque dent arrachée. Ils s'enfuyaient en courant; et bientôt plus personne n'osa s'approcher de la chaise du dentiste.
Laurent Mourguet ne se découragea pas. Pour attirer les badauds, il utilisât Polichinelle.
Les passants s'arrêtaient pour l'écouter; tout le monde riait. Alors Monsieur Mourguet proposait d'arracher les dents gratuitement. Dans cette humeur joyeuse, la crainte des tenailles disparaissait. Les gens se laissaient soigner parce que la marionnette leur avait donné du courage.
Dès 1804, il monta son propre petit théâtre, dans le quartier des Brotteaux, assisté du Père Thomas, un comédien amuseur fameux, et devient définitivement marionnettiste.
Le premier personnage du théâtre de Mourguet est dans un premier temps Polichinelle et puis son compère Gnafron, cordonnier de son état (regrolleur) et franc buveur de vin rouge, puis plus tard, il eut l'idée de créer une poupée qui lui ressemblait en tout point. Il l'appela GUIGNOL.
Guignol était né. Il a une tête de bois et un corps de chiffons. Il porte une redingote marron à boutons dorés, un tricorne et un noeud papillon aux ailes froissées. Ses cheveux noirs sont rassemblés en une natte. Le canut, naïf et roublard à la fois, le plus souvent fier de lui, est proche des préoccupations populaires. Ce petit personnage raconte des histoires très drôles. Le langage de Guignol est unique: il invente des mots nouveaux, jongle avec le parler local et l'argot. La maréchaussée est toujours mise à mal. Le pouvoir est moqué, le bourgeois est ridiculisé.
Son bon sens est à toute épreuve. Il rit de ses propres défauts, et utilise ceux des autres. Les pièces de Laurent Mourguet, ne sont pas écrites. Il les improvise dans son théâtre et les transforme au gré de ses humeurs et des faits lyonnais du jour et joue un rôle de gazette.
Madelon, sa fenotte au caractère acariâtre fait rapidement partie du trio.
Et on rit de bon coeur; petit à petit, même le bourgeois goûtera l'humour de Guignol.
Laurent Mourguet meurt en 1844 à 75 ans mais ses enfants poursuivent le chemin et deviennent comme lui : " guignoliste ", et aujourd'hui petits et grands se tordent encore aux aventures de Guignol et aux coups de bâton reçus par le gendarme Flageolet.
A force de voyager, de s'être exporté, Guignol est devenu une marionnette universelle. Guignol est, de par le monde, la signature vivante de notre ville de Lyon et l'un de nos meilleurs ambassadeurs.
La tradition du théâtre de Guignol est aujourd'hui perpétuée dans sa ville natale par trois théâtres fixes et quelques théâtres itinérants. Ses origines historiques sont précieusement conservées au Musée International de la Marionnette.
