clochetteL’or des féesclochette


Au cœur du val de Maurienne s'élèvent les hautes murailles d'une forteresse imprenable qui domine les Alpes entre Vanoise et Ecrins. Les trois plus hautes tours du château touchent le ciel, trois pyramides de roc, sculptées de la main de Dieu. Une vieille légende raconte que les fées logent dans cette bâtisse mystérieuse formée de magnifiques montagnes drapées d'un voile de neige, on les nomme Aiguilles d'Arves.

Les fées, en patois on les appelle les Fayes. Ce sont des femmes d'une grande beauté, des êtres surnaturels aux silhouettes irréelles et diaphanes. Elles sont très discrètes, bien peu de gens les ont rencontrées… On raconte même que leur incomparable beauté fait tourner la tête des hommes ; une fois séduits, elles les entraînent là haut sur la montagne ce qui rend leurs femmes fort jalouses, vous comprenez bien ! En fait, il n'y a que les enfants qui peuvent rencontrer les Fayes, les petits bergers ne craignent rien, protégés par l'innocence et l'insouciance de leur âge.

Il y a bien longtemps une petite bergère gardait son troupeau là haut dans les maigres prairies juste au dessous des rochers. En cette fin de journée, l'étoile du berger, ce minuscule astre orangé venait de se lever, exactement dans la région du ciel où le soleil avait choisi de se coucher, donnant le signal pour rentrer. Une bise légère chargée de l'odeur fraîche des cimes balayait l'alpage, l'écho renvoyait le tintinnabulement feutré du carillon des sonnailles. La jeune fille s'apprêtait à redescendre avec son troupeau lorsqu'une jolie dame, habillée de sompteux vêtements de soie s'approche d'elle. C'était une Faye, mais la petite bergère ne le savait pas, jamais elle n'avait vu de près une dame aussi belle! La fée avait un visage fin au teint couleur fleur d'églantine, une longue chevelure blonde descendait en cascade sur ses frêles épaules. La Faye lui dit d'une voix douce. S'il te plaît, viens m'aider à étendre ma lessive car ce soir c'est la pleine lune et je n'y arriverai pas toute seule… Sans rien dire la petite bergère la suivit comme une automate. Elles montèrent toutes deux là haut dans les rochers puis ont étendu le linge mouillé sur de grandes dalles de roc. Ce n'était que des vêtements de soie, de mousseline, de dentelles, jamais notre petite bergère n'avait touché des tissus aussi doux, aussi délicats…

Et puis quand tout a été terminé, La Faye lui a rempli son tablier de feuilles de frêne, un plein patin de petites feuilles de frêne toutes neuves et plates comme si elles avaient été repassées ! ;Voilà ton payement jeune fille et bien le merci. La jolie dame alors s'éloigna en sautillant sous les pâles rayons de la lune blafarde.

En cours de route, la petite bergère a jeté toutes les feuilles, ce n'est pas que ce soit lourd, mais c'est encombrant quand on court à la rencontre de son troupeau. Or le tablier avait une petite poche et il resta là trois petites feuilles cachées, qu'elle n'avait pas vues. En arrivant au chalet, ce n'était plus des feuilles de frêne qu'elle retrouva, mais des pièces de vingt francs en or, des louis !

Bien sûr que dès les premières lueurs du matin, la petite bergère est retournée sur place, elle se rappelait bien là où elle avait vidé son tablier… Mais elle eut beau chercher et rechercher encore, elle ne retrouva ni feuilles, ni pièces…

Zian des Pâles. le 1er janvier 2002